Rechercher

Catégories

En 2008, nous sommes allés à la rencontre d’une des quatre entreprises artisanales reconnues officiellement au Japon pour la fabrication des armes en bois (Bokuto = Bokken ; Jo…) : « NIDOME BOKUTO SEISAKUJO »

NIDOME est le nom de l’artisan qui nous a reçu dans son atelier. Il porte le titre de « Dento kogeishi » et a été sélectionné par « Dento kogeihin sangyo sinkokyoukai » (association créée par l’Etat et nommée par le ministre de l’économie afin de préserver et protéger les spécialistes et artisans de la tradition japonaise).

Nous vous livrons une bonne partie de l’interview que nous avons mené et avons apporté un grand soin à ce que la traduction soit la plus proche possible des réponses apportées.

Nous tenions bien sûr à exprimer notre gratitude et notre profond respect à la famille NIDOME qui nous a reçu chaleureusement en toute simplicité et espérons ainsi témoigner aux lecteurs qu’il existe encore des artisans passionnés par leur travail qui perpétuent la culture japonaise dans la plus pure tradition.

NIDOME Bokuto seisakujo

90% de la production de Yumi (arc japonais), bokuto (bokken),  shinaï (armes utilisées en Kendo), ainsi que les armoires d’intérieur est issue de Kyushu.

Dans le sud de Kyushu se trouve une petite ville : «  Miyakonojo ».

Miyakonojo est la ville où l’on fabrique les bokuto (bokken).

Les montagnes du sud de Kyushu sont riches en forêts de chênes, néfliers et sunuké (ysu / racemosum). La terre de cette région convient parfaitement à la culture de ces arbres.

 

Yoshiaki NIDOME est un spécialiste des armes en bois ; son père Kojiro NIDOME s’est installé à Miyakonojo après la Deuxième Guerre Mondiale, durant laquelle il a tout perdu, comme tous ses compatriotes japonais. NIDOME Kojiro cherchait un métier dans lequel il puisse exercer sa passion pour les arbres, pour le travail du bois.

Dans les années 40, il crée avec sa femme une entreprise artisanale spécialisée dans la fabrication des armes en bois.

A cette époque, il n’y avait pas  de machines automatiques, tout se faisait à la main.

Après la guerre, le Japon connut une période de croissance très rapide. L’entreprise prit un essor important, les ventes étaient considérables.

Mais avec le temps  les japonais se mirent à pratiquer de moins en moins les arts martiaux, entraînant une baisse des ventes de saison en saison. En 1960, à Miyakonojo, il y avait 25 entreprises, aujourd’hui, il n'en reste plus que 4.

Aujourd'hui, deux de ses fils lui ont succédé; bientôt, le fils aîné de Yoshiaki travaillera également avec eux.

 

Comment l’entreprise a-t-elle pu subsister jusqu'à aujourd'hui ?

La famille NIDOME, en plus de la  fabrique de bokuto, possédait des champs de culture (riz, légumes…) qui leur ont permis de toucher des revenus complémentaires et de subvenir à leurs besoins. Contrairement à d’autres qui n’ont pu continuer leur activité artisanale, faute de clients.

Pourquoi utilise t-on ces arbres (chêne, néflier, sunuké, kobutan) pour la fabrication des bokuto ?

Le chêne est dur, solide, résiste bien aux contraintes physiques. Il existe en réalité plusieurs variétés de chêne; celui de la région du sud de Kyushu présente toute les qualités. Le chêne classique présente des fibres bien serrées, il ne flotte pas dans l’eau. Le chêne du sud de  Kyushu est plutôt dur, mais il flotte. Le chêne rouge est un peu plus léger que le blanc.

Le Biwa (nèfle) est plutôt doux, solide et présente une belle surface. On dit que lorsqu’on est frappé par un  bokuto en Biwa, on ne sent rien sur le coup, mais après quelques jours la blessure apparaît. Les Budoka aiment bien relater cette histoire.

Le sunuké (racemosum) est dur et résiste bien à l’ humidité. Le sunuké constitue la partie centrale d’un arbre appelé Isu (Yusu). Il est doux mais solide et peut être de différente couleur, deux pièces ne seront donc jamais pareilles.

Le kokutan (ébène) est très dur, lourd et solide. Cet arbre pousse lentement.

Pour pouvoir couper ces arbres, il faut patienter :

Pour le chêne il faut attendre 70-80 ans. Pour le sunuké, kokutan (ébène) et biwa (nèfle), il faut attendre plus 200 ans.

Quand on achète le bois, le tronc est entier. On ne peut pas savoir au départ s'il est abîmé à l’intérieur (rongé ou non par les insectes).

On ne peut utiliser que les parties qui ne sont pas altérées (par exemple si le bois est altéré au milieu, on utilisera la partie du haut pour un Tanto, le bas pour un Chuto.

Comment fabrique t-on un bokuto ?

D’abord, on achète le bois sous forme de tronc. Ensuite, il est coupé en tranche par un spécialiste en coupe : un Seizaisho.

Le bois est ensuite séché pendant 1 an à l’air libre.

Quand le bois est sec, on dessine sur celui-ci des bokuto à l’aide d’un crayon sur le bois en se servant d’un bokuto comme de « patron » puis on réalise la découpe.

On utilise une machine pour couper en épaisseur, ensuite une autre machine coupe l’extrémité en forme de pointe .Cette machine peut servir à façonner différentes armes.

Ensuite, on utilise une appareil pour façonner les Ha (« tranchant » du bokken) ; à partir de là, tout le travail de rabotage va être réalisé à la main. Aucun rabot n’a le même angle ni la même courbure : plus de 20 rabots sont utilisés.

Le bokken est fixé grâce à un système permettant de le raboter dans toutes les directions. Ce dispositif de fixation est unique et a été inventé il y a 50 ans dans les ateliers même de Miyakonojo. Depuis qu’il est utilisé, il est facile de travailler la courbure du Ha (« tranchant » du bokken).

Après avoir effectué les différentes opérations de rabotage, la finition se fait au papier de verre fin. 

Pourquoi certains bokuto se tordent avec le temps ?

Tous les arbres contiennent de l’eau, aussi les bois servant à la fabrication des bokuto en contiennent également ; il faut donc les sécher. L’humidité sera ainsi éliminée. A noter que l’humidité est plus importante en bas des arbres. D’autre part, l’arbre n’est pas exposé au soleil sur toutes ses surfaces. Sur un côté il y a le soleil et sur l’autre l’ombre (à l’ombre, il y aura plus d’humidité).

Après avoir coupé le bois, on le laisse sécher plus d’un an, mais tous les bois seront différents de par leur taux d’humidité.

S’il est humide, il va se  tordre avec le temps. S’il est sec, il restera droit.

Pour bien conserver le bokuto et éviter ainsi l’humidité et la saleté, le bokuto sera protégé par du papier plastifié.

Aujourd’hui on trouve des entreprises qui utilisent des machines pour sécher les armes en bois. (Durée de séchage : environ 15 jours).

Avec la machine, on peut gagner du temps et garder moins de stock ; mais le bois sera plus fragile que le bois séché naturellement.

Si on les sèche artificiellement, les fibres du bois se raccourcissent et le bois « meurt ». En enlevant l’humidité rapidement, le bois absorbera l’humidité rapidement et se cassera plus facilement. Par contre, les bois séchés naturellement à l’air libre seront toujours « vivants » et leur durée de vie sera très longue.

Doit-on jeter les bokuto qui sont tordus ?

Non.

On peut les réparer avec de la chaleur.

Regardez: il nous en fait la démonstration: le résultat est spectaculaire, le bokuto a retrouvé sa droiture.

Doit-on mettre de l’huile (ex : huile de camélia) pour protéger le bokuto ?

Non, ça ne sert à rien. Il y a des Budoka (pratiquants d’arts martiaux japonais) qui aiment mettre de l’huile, mais uniquement pour la beauté !! Après quelques années, l’huile sera absorbée par le bokuto. Rien ne vaut la pellicule de graisse naturelle que l’on a sur les mains pour « huiler » son bokuto ou jo !!

-Comment doit-on conserver son bokuto ? doit-on le mettre debout ou couché ?

Il vaut mieux le mettre couché car la température varie de haut en bas (couché, la température est identique sur toute la longueur).

-Il ne  reste plus que 4 fournisseurs à Miyakonojo. Est ce qu’en final les bokuto ou jo sont différents ?

Oui, chaque maison dispose de  son propre savoir-faire.

Le sori (la courbure du bokuto) est différente. Chez nous, le sori est un peu bas : Koshi-zori, mais chez un autre fabricant, le sori est au milieu :Naka-zori, chez un autre le zori est en haut : Saki-zori. Peut-être que les gens on du mal à faire la différence, mais je peux distinguer les bokuto des 4 fabricants.

Vos bokuto ont-ils une caractéristique particulière ?

On fabrique en fonction du cahier des charges du client. Nous fabriquons aussi des bokuto sur mesure, à l’unité, en fonction d’une demande particulière pour un client. Normalement, les fournisseurs n’aiment pas fabriquer de bokuto personnalisés car on a besoin de plus de temps que si on fabrique en série.

Les autres fournisseurs nous envoient les clients qui souhaitent une commande sur mesure. Nous essayons d’être souples. Les délais sont un peu plus longs mais au moins votre bokuto est fabriqué selon vos souhaits.

Quand il y avait plus 20 entreprise, nous étions concurrents, mais comme on est plus que 4, nous nous entendons bien.

Quelle étape est la plus difficile pour la fabrication ?

Cela fait plus 30 ans que je fais ce métier, aujourd’hui, ce n’est pas trop difficile, mais je fais attention aux choses que l’on ne voit  pas. Le sori (la courbure du bokuto)  est une partie du bokuto que les gens ne regardent pas trop……J’aime que la finition soit parfaite.

Craignez vous les bokuto de fabrication chinoise ?

Pour l’instant non. En ce moment, le bokuto chinois est de qualité moyenne. Les bokuto se trouve dans les boutiques de souvenir. Ils n’ont aucune valeur.

Par exemple, au Kendo, presque tous les Shinai et Bogu sont fabriqués en Chine. Ils sont moins chers. Les techniques de fabrications ont évolué. Parce qu’au Japon, on ne peut pas former de jeunes apprentis. Il ne reste que des vieux.

J’ai peur qu’un visiteur vienne comme vous me demander de leur faire visiter mon atelier, et parte ensuite fabriquer des bokuto en Chine. Cela s’est passé de cette façon pour l’équipement de kendo.

 

Votre fils prendra t-il la suite de l’entreprise familiale ?

Je ne veux pas forcer mon fils. A l’époque, je n’avais pas le choix, Je devais travailler avec mon père et lui succéder. J’ai dit à mon fils, c’est à toi de choisir ton métier. Il veut travailler avec moi pour pouvoir prendre la suite. Il est encore jeune.

Il travaille ailleurs pour apprendre. Quand on est jeune, il faut regarder ailleurs. Plus tard, il travaillera avec nous.

 

D’abord, on achète le bois sous forme de tronc, ensuite, il est coupé en tranche par un spécialiste en coupe : un Seizaisho.

 

 

 

 


Le bois est séché pendant 1 an à l’air libre.

 

 

Quand le bois est sec, on dessine sur celui-ci des bokuto à l’aide d’un crayon sur le bois en se servant d’un bokuto comme patron puis on coupe.

 

 

 

On coupe , en évitant le bois abîmé.

Patron

 

Couper en épaisseur,

 

 

 ensuite une autre machine coupe l’extrémité en forme de pointe.

Cette machine peut servir à façonner différentes armes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Ensuite, on utilise un appareil pour façonner les Ha


On change de couteau pour une autre arme,


on  façonne les Tsuka

 

 

 

 

 
Raboter.

 

Les differents rabots n'ont pas le même angle ni la même courbure : plus 20 rabots sont utilisés.

 

 
Polissage au papier de verre.

 

Rabotage de la Tsuka.

 

 

La marque du cerisier est la marque officielle du ministère de la Défense.


  Bokuto commandé par le ministère de la Défense.

 M.NIDOME (frères)

 

Sa mère (à droite) a créé Nidomé bokuto seisakujo avec son mari.

Spécialités en bois de Miyakonojo

Miyakonojo Yumi


Miyakonojo bokuto


Shinai


Meuble

 

 

Nous sommes allés en train "shinkansen Hikari"

et express "Kirishima"  


 "Kyushu shinkansen-Tsubamé"

 

et "New Kyushu shinkansen-Tsubamé".